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Tâche 1 : Enjeux éthiques du développement du numérique dans le domaine de la santé mentale

La e-santé est aujourd’hui présentée comme une des solutions aux défis auxquels doit faire face le système de santé français, notamment aux problèmes d’accès aux soins dans certaines zones géographiques et au vieillissement de la population. Le concept de "e-santé" désigne, largement, tous les domaines où les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont mises au service de la santé : télémédecine, logiciels d’aide à la prescription, dossiers médicaux électroniques, "santé mobile", etc. Le décret n°2017-1866 du 29 décembre 2017 portant définition de la Stratégie Nationale de Santé (SNS) pour la période 2018-2022 préconise la généralisation de l’usage du numérique en santé (et notamment de la télémédecine) afin d’abolir les distances. La prise en charge directement sur le lieu de vie des personnes âgées ou handicapées est notamment envisagée. Une telle volonté de transition vers le numérique en matière de santé est déclinée au niveau régional. Le Plan Régional Santé (PRS) de la Région Normandie en date du 10 juillet 2018 préconise le développement de l’innovation technique et technologique en matière de santé, notamment le développement de la télémédecine. Le Schéma Régional de Santé (SRS) 2018-2023 vise également, parmi les objectifs opérationnels à atteindre la généralisation des usages de la télémédecine et le déploiement des outils numériques. Cet objectif est aussi un axe fort des Projets Territoriaux en Santé Mentale (PTSM) de Normandie. Le projet de recherche de la FHU se subdivise en 2 axes.

I. Développement de la télémédecine

Encadrée par le décret n°2010-1229 du 19 octobre 2010 et réservée aux médecins, la télémédecine est, plus précisément, une "forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication" (CSP, art. L6316-1). Elle comprend cinq catégories d’actes : la téléconsultation, la télé-expertise, la télésurveillance médicale, la téléassistance médicale et la réponse médicale (Décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010). Se posent dès lors notamment comme questions :

  1. Les conditions d’acceptabilité sociale du recours à la télémédecine
  2. La confidentialité des renseignements de santé et des rencontres médicales
  3. Les conditions d’un développement de la télémédecine adapté aux spécificités régionales

Il s’agira ici d’accompagner la politique d’aménagement du territoire et d’éclairer les acteurs locaux sur les leviers et les freins à la progression de la télémédecine (spécifiquement dans le domaine de la santé mentale) sur le territoire normand.

Ces différents points font déjà l’objet d’un projet de recherche pluridisciplinaire (juristes, sociologues, philosophes, psychologues, géographes) porté par A. Cayol et soumis à la région Normandie pour un financement (RIN) sur 2 ans à compter de fin 2020. La FHU favorise le développement d’interactions entre l'ICREJ (UR 967), les équipes hospitalières de la FHU, et l’ARS afin de promouvoir et étendre l’utilisation de la télémédecine en psychiatre. Le dispositif THERAPIE web en Normandie largement utilisé pendant la période de la pandémie COVID-19 et particulièrement apprécié des patients sera étendu le plus possible aux structures de soins, aux professionnels en santé mentale et aux patients (cf. WP1, WP2 et WP3). L’évaluation de la pertinence thérapeutique et de la plus-value des téléconsultations par rapport à des consultations en présentiel sera envisagée.

Une cinquantaine d'entretiens auprès de professionnels de santé et de patients ont été réalisés pour l'évaluation de l'éthique et de la relation patient. Deux livres blancs pluridisciplinaires sur les enjeux juridiques et éthiques du développement de la télémédecine ont été rédigés (1 livre général et 1 livre spécifique aux personnes âgées) ainsi qu'une charte éthique en partenariat avec des acteurs de santé en région Normandie et l’Espace de réflexion éthique de Normandie. Des financements supplémentaires ont été obtenus pour ce projet auprès du pôle de compétitivité TES pour la création du projet labellisé Enjeux du DÉveloppement de la TÉlémédecine en Normandie (EDeTeN) du 1er novembre 2020 au 31 octobre 2022 (sur les fonds FEDER).

II. Développement de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé mentale

Le recours à des outils de diagnostic automatique (cf. WP4 Tâche 2) soulève de nombreuses questions, notamment :

  1. celle de la protection des données : la réglementation relative à la protection des données à caractère personnel (RGPD, loi CNIL révisée…) pose un certain nombre de conditions, au rang desquelles se trouvent l’information ainsi que le consentement de la personne qui sont nécessairement réinterrogées en matière de santé mentale ;
  2. celle des règles de responsabilité applicable : une responsabilité de l’IA elle-même (afin de prendre en compte son autonomie), en lui octroyant la personnalité juridique, est envisagée par certains. Les régimes "classiques" de la responsabilité civile offrent déjà des solutions en permettant d’engager la responsabilité de son producteur ou de son utilisateur. Une des problématiques sera de déterminer si le refus pour une personne de suivre les recommandations d’une IA peut constituer une faute. Un médecin choisissant un autre traitement que celui préconisé par l’IA pourrait-il, par exemple, engager sa responsabilité s’il en résulte un dommage pour son patient ? Cela implique également de se poser la question en amont de l’acceptabilité du système par le patient.

Deux articles concernant ce projet ont été publiés et un colloque pluridisciplinaire co-organisé par Amandine Cayol (responsable du WP5) et le Pr Gaël Dias (responsable du WP4) est prévu en 2024.